Comme la plupart des secteurs économiques du monde entier, le secteur financier africain a été battu en 2020. Particulièrement dynamique avant la pandémie, avec des revenus bancaires augmentant de 11% par an, l’industrie est depuis devenue une source majeure d’aide aux entreprises en difficulté, en particulier les entreprises publiques et les PME. En conséquence, Moody’s a averti que le montant des prêts improductifs inscrits dans les livres des banques africaines pourrait doubler par rapport aux niveaux de 2019.

Malgré ces perspectives négatives, le secteur financier ne sera pas la plus grande victime de la crise en cours, même si le pire du choc reste à venir. Les banques ont jusqu’à présent fait preuve d’une résilience sans précédent, car leur base de fonds propres est plus solide et leur liquidité plus élevée que lors de la dernière crise financière, et leur rentabilité reste bien au-dessus de la moyenne mondiale, tandis que les mesures proactives prises par les gouvernements et les banques centrales les ont relativement ralentissement mondial de l’activité économique. Pendant ce temps, les opérateurs d’argent mobile et les entreprises de technologie financière ont récolté le maximum de récompenses à mesure que l’adoption des outils numériques se généralisait. D’innombrables sociétés de fintech africaines, notamment Pineapple, Paystack, InTouch et Yoco, ont convaincu les investisseurs et les nouveaux clients que leurs services ont un avenir prometteur.

Cette dernière année non conventionnelle présente un certain nombre de défis pour le secteur financier africain à l’avenir, et je voudrais en souligner trois en particulier:

  • La finance africaine doit accélérer la convergence entre les différents acteurs de l’industrie pour stimuler l’inclusion financière. Cet exploit devrait être possible grâce à l’innovation des opérateurs de mobile money et des fintech africains opérant sur le continent. La convergence des efforts des opérateurs (qui manquent parfois de l’expérience technique des banquiers), des fintech (qui manquent de capital) et des entreprises traditionnelles ouvrira enfin la voie à une Afrique entièrement bancarisée. Les autorités de régulation ont un rôle essentiel à jouer pour y parvenir, car elles doivent continuer à promouvoir l’innovation tout en maîtrisant les excès (notamment pour protéger les consommateurs), appliquer la bonne dose de pression réglementaire et inciter l’industrie à travailler ensemble.
  • La finance africaine devrait être un contributeur clé à la croissance de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) en encourageant un dialogue public-privé ouvert et transparent. En tant que financier du commerce intra-africain, le secteur financier du continent a un rôle décisif dans le succès futur de la ZLECA, qui vient d’ouvrir ses portes le 1er janvier dernier. Plusieurs points devraient être à l’ordre du jour, tels que la normalisation des réglementations et des plates-formes techniques au sein du continent; rationaliser le commerce, les transferts d’argent et les paiements; assurer la convertibilité de la monnaie; et donner la priorité à l’expansion des entreprises régionales ou panafricaines intégrées. Des acteurs comme Ecobank, Attijariwafa Bank, Standard Bank et Interswitch sont encore trop peu nombreux, même si une nouvelle vague de champions arrive sur les traces de la Kenya’s Equity Bank et de KCB Bank.
  • Enfin, la finance africaine doit montrer au continent la voie de la prospérité et de la durabilité. Les banquiers africains ont pour la plupart évité le type de tendances spéculatives qui ont frappé leurs homologues internationaux. Plus que jamais, leur impact et la responsabilité qui en découle leur confèrent un rôle central pour assurer la forte reprise économique de l’Afrique et faire le virage décisif vers les énergies propres.

Mais n’oublions pas que l’industrie subit actuellement une transformation radicale. Le secteur financier mondial continue de se numériser, de se transformer et de se réinventer. Des innovations telles que la technologie blockchain et les crypto-actifs, la capacité à collecter et traiter une quantité quasi infinie de données et l’utilisation de l’intelligence artificielle nous conduisent invariablement vers une finance toujours plus décentralisée, ou DeFi.

En Afrique, comme ailleurs, cette révolution est en cours. Une étude menée conjointement par Deloitte et l’Africa CEO Forum est à cet égard édifiante: près de 70% des institutions financières du continent ont déclaré que le lancement ou l’accélération de la digitalisation de leur entreprise est devenu leur priorité stratégique depuis le début de la pandémie. Et ce n’est que le début.

Des sujets qui suscitent la réflexion et la discussion, de la convergence à la numérisation, en passant par l’intégration et les révolutions technologiques, occuperont une place importante dans l’esprit de 500 des plus grands leaders du secteur lors du premier Sommet de l’industrie financière en Afrique les 10 et 11 mars prochains. Ce dialogue unique en son genre entre toutes les parties prenantes sera une opportunité bienvenue de se réunir pour relever les défis auxquels l’industrie est confrontée aujourd’hui et à l’avenir.